Dans tous les pays traditionnels de l’automobile les voitures naissent de la seule volonté de pionniers dont certains deviendront de grands industriels. En Chine les voitures apparaissent physiquement et uniquement grâce à des importations bien avant l’apparition de modèles purement chinois, à travers de pures copies de modèles existants.
En Chine, l’automobile :
La voiture représentait un luxe, un marqueur de richesses (encore fort éloigné des classes moyennes). Via des résidents étrangers et quelques riches chinois se contentaient d’importer des modèles européens ou américains. (Responsables politiques ou grands commerçants).
Les résidents Anglais à travers des voitures anglaises, les Allemands : des modèles germaniques, les Américains : des voitures américaines et bien sûr les Français avec des Citroën. (Après le succès de la croisière jaune, Citroën en Chine). Tout cela constituera ainsi un véritable « Babel de l’Automobile ».
Des artisans en Chine :
Petit à petit des artisans locaux se sont mis à construire des reproductions de ces modèles existants. D’abord pour de 1 % (seulement le bouchon du radiateur) puis à 50 % pour arriver à créer une véritable industrie automobile, avec des créations plus ou moins originales (encore aujourd’hui avec l’exemple récent de Jeep et de sa copie chinoise).
Les constructeurs traditionnels occidentaux n’y voyaient rien à dire, car ils continuaient à vendre des pièces d’origine (mécaniques, moteurs…).
Dans ce pays sans voitures, aujourd’hui environ de 100 millions de voiture circulent.
L’automobile en Chine :
Celle-ci arrive avec le XXe siècle (1907) via une course Paris-Pékin organisée par le journal Le Matin. Cinq équipages feront le chemin en s’élançant de l’Ambassade de France à Pékin vers Paris (atteint deux mois plus tard).
La Chine avait surtout besoin de camions, Aussi Ford se rapprocha de cet immense marché en s’installant au Japon (1925… (mais sera nationalisé en 1936 !).
Le début d’une industrie :
À Shanghai, s’implanteront des dizaines de petits ateliers, capables de reconstruire des modèles de véhicules (bus, camions, voitures). En 1931, le parti communiste envoie de jeunes cadres chinois en France chez Renault et une vingtaine de jeunes techniciens chez Berliet à Lyon. Les Chinois importeront tout de même des Berliet via la filiale Berliet-Maroc, qui se fera payer en thé ! Paul Berliet sera le premier à accepter un transfert de technologie, en échange de grosses commandes.
Buick installe un premier importateur officiel. Les Américains domineront alors le parc automobile chinois.
Apparait alors, le premier projet de production d’une voiture particulière : « Experimental Rickshaw Chassis », en fait une copie de l’Austin Seven coupé (type B3) … 75 ans plus tard, les Chinois reviennent à Longbridge (site de production anglais), mais cette fois pour racheter ce site de production.
Premières productions asiatiques :
En 1937, L’armée impériale japonaise décide d’assembler elle-même des camions mais aussi des voitures Isuku (dans l’ex-usine Ford nationalisée). Cette même année la Chine doit faire face à l’invasion du Japon. L’Allemagne nazi fournit des camions Mercedes, les Américains des avions.
Un camion soviétique (le ZIS-150) devient le CA 10 « JieFang » (« libération ») par FAW, qui produira de 1956 à 1986 : 1 281 502 camions : le CA-10. (Chiffre de production aujourd’hui estimé comme complètement fantaisiste. Pourtant les paysans seront invités à fondre leurs casseroles pour produire de l’acier (de mauvaise qualité).
Pour prouver ses désirs d’indépendance vis-à-vis de l’URSS, La Chine va créer sa propre voiture « Dong Feng » (« vent d’est »). En 1958, le Grand Timonier présente un 2ème modèle (entièrement construit à la main). Il s’agit d’une Simca Ariane 4, re carrossée. Ensuite vient le tour de la Mercedes 180 pour devenir « Jinggangshan », puis des Chrysler 300 recarrossées et renommées CA 72, dont seuls quelques modèles seront construits… pour faire de la propagande en faisant la tournée des salons de l’auto occidentaux.
Le début des voitures chinoises :
Timidement, l’industrie chinoise démarre dans les années 1960 (Poids lourds, tout terrains, militaires) avec seulement une dizaine de milliers de véhicules. En 1961,
Deng Xiaoping se déplace en occident pour décrocher des contrats industriels. Notamment avec Toyota pour produire la Crown 35. 1967, Hong Qi achève sa limousine CA 770 (Mais Mao refusera d’apparaître à son bord). La Révolution culturelle imposera une chape de plomb et la production automobile tombera à zéro.
Il faudra attendre 1986 pour que la production automobile démarre.
Pour attirer des fabricants, la Chine fixe des règles :
- Soit sous une licence de production ;
- Soit avec une joint-venture à 50 % pour les Chinois ;
- Un véhicule « chinois » doit contenir au moins 40 % de pièces « made in China » ;
- Les importations de véhicules sont surtaxées.
Les constructeurs européens :
Les constructeurs européens proposent la Santana de Volkswagen et la CX et aussi la 504. (Pour une production qui débutera en 1985). Puis Mercedes avec ses 200 et 220. Mais les finitions des productions locales s’avèrent de piètre qualité. Le public n’ose pas encore rêver à une voiture, il reste attaché à son vélo, voire à une moto japonaise de 125cc.
Les productions s’envolent de 42 000 voitures en 1989, à 225 000 en 1993. (Santana, Jetta, Audi 100). La Chine entre désormais parmi les pays producteurs d’automobiles.
En 1995, Shentong assemble sa première ZX « Fukang », « Santé prospérité » : la 1ère compacte moderne chinoise, mais les acheteurs souhaitaient disposer d’une quatre portes. La production sera arrêtée aussi pour des raisons de qualité. La joint-venture frôle la faillite, pour finalement sortir une version quatre portes.
Investir en Chine :
Investir en Chine c’est jouer à la loterie vue le manque fiabilité de ses partenaires Chinois. L’industrie chinoise demeure la grande perdante de cette situation. Des investisseurs étrangers, attirés par les énormes possibilités du marché essayent en vain de s’y introduire (il s’agit le plus souvent d’initiatives privées, étrangères). Mais l’État souhaite conserver ses prérogatives de production de voitures, y compris face à l’armée (premier entrepreneur du pays). Et n’accepte que des joint-ventures.
Pourtant, dans les années 2 000, le nombre des « ultra-riches » explose, avec les cadres du Parti, les commandants militaires et quelques PME, qui ont le goût de la richesse ostentatoire. Les importations de voitures (individuelles) de luxe flambent. Ferrari, Lamborghini, Porsche ou même Rolls Roye se dotent de représentation officielles… de modèles exclusifs.
Les débuts de la Chine dans l’OMC :
Le 31 décembre 2001, la Chine intègre l’OMC, les industriels occidentaux se frottent les mains, et pourtant on verra arriver en Europe une vague de voitures chinoises. Les entrepreneurs chinois, par patriotisme, mais aussi par goût de l’argent veulent créer un « Toyota chinois », mais ils veulent aller trop vite et par improvisation et précipitation (sous-budgétées), nombre de projets capotent.
Yang Rong Zhang, un riche businessman disposant de crédits illimités, construit une usine ultra-moderne (supervisée par Porsche) pour produire la Zhonghua… avant d’être arrêté pour corruption.
Chery s’impose comme l’un des plus sérieux candidats. Il profite de la fermeture d’une usine Ford au Brésil et de la crise coréenne pour tenter de racheter Daewoo. Il clonera la Matiz, aux grands cris de GM qui avait repris Daewoo.
Des Constructeurs Chinois :
Li Shu Fu, en 2004, dévoile la Beauty Leopard en collaboration avec Daewoo. Il embauche des designers italiens pour relooker les modèles. En 2005, Li débarque au salon de Francfort pour présenter sa CK.
Pourtant les Chinois ne s’avèrent pas maîtres de leurs productions, ils ne représentent qu’un tiers des modèles fabriqués. Les leaders restent Chery, Gezly Byd et Haima pour environ 100 à 200 000 voitures par an. Ils subissent d’ailleurs et étrangement une certaine hostilité de la part de l’État chinois. Acheter des entreprises occidentales constitue une étape importante de développement pour les Chinois, afin d’accéder à des technologies, à des marchés (exemples : MG-ROVER en 2001 – VOLVO à Geely (2010) et d’autres tentatives infructueuses : SAAB, OPEL). Il existe entre les constructeurs chinois, une compétition de surenchères sur leurs futurs objectifs de développement…de prévisions de ventes.
Quelques constructeurs étatiques :
- BAIC (Baw, Foton, Senova)
- CHANGAN (Chana, JMC, Landwind) ;
- FAW (Besturn, Haima, Hong Qi, Xiali)
Le marché automobile chinois :
En 2009, la Chine devient le premier marché automobile mondial (environ 18 millions en 2011). Pourtant nombre de constructeurs locaux disparaissent ou baissent le rideau. Après avoir gagné un « 0 » de croissance par décennie, la production chinoise stagne et doit faire face à une clientèle interne plus mûre, de plus en plus exigeante sur la qualité.
La stratégie chinoise aujourd’hui :
De 2009-2010. Les grandes villes saturent d’un trop plein de véhicules à moteur provoquant embouteillages et pollutions. Pour élargir l’éventail de leur clientèle (avec les ruraux) les autorités organisent de nombreux événements : salons de seconde zone, simili-rallyes, jusqu’à organiser leur « 24 heures du Mans » (au mépris de tout copyright). Mais aussi accompagnés de mannequins en minijupes, de shorts en cuir et poses lascives !!!
Ils organisent aussi une « prime à la casse », et des aides gouvernementales pour les « voitures propres ». Mais les aides de l’État seront brusquement interrompues fin 2010. Les constructeurs traditionnels (VW, GM, Suzuki), doivent ralentir leur développement ; Quant à Honda, Toyota ils subissent la « double peine » : 1) la fin des 30 glorieuses, 2) le conflit autour des îles Daoyu/Senkaku, entraînant une sorte de Boycott et des mises à sac des concessionnaires japonais.
Les volontés de l’État chinois :
L’État favorise les « prises de participation » (PSA, Pirelli, GM, VW…). La sagesse populaire déclare sur Hyundai : « la qualité japonaise à un prix chinois ». Pour stimuler sa propre industrie, l’État impose la création de marques « pures » via des joint-ventures, mais avec la propriété intellectuelle revenant au profit de la partie chinoise. Le concept de propriété étant considéré comme un concept « Bourgeois ». Une génération de jeunes entrepreneurs rêve de devenir « l’Elon Musk Chinois ».
L’invasion, « le grand remplacement ?» :
Quinze ans après les premières tentatives d’introduction sur le marché français, les véhicules chinois arrivent désormais (via Amsterdam) : un premier showroom vient d’ouvrir à Paris. Mais l’arrivée de grandes marques chinoises. Il se fait encore en ordre dispersé. Il devient désormais possible de commercialiser en France des véhicules sans nécessité d’un réseau de distribution.
Le véhicule thermique en perte de vitesse, l’électrique devient en pleine ascension. Une aubaine pour des marques chinoises qui ne parvenaient pas à mettre au point des moteurs thermiques suffisamment propres et performants au goût des Européens :
De nouvelles marques chinoises :
- Une société, Asie Autos, se démène pour tenter d’introduire des SUV Landwinden France, (Brilliance BS6) ;
- Aiways, MG (Saic) : ne start-up chinoisequi va lancer cet été des SUV électriques en Corse ;
- Et dans une certaine mesure, BYD qui deviendra le premier constructeur chinois à commercialiser des véhicules chinois en France ;
- Polestar (Geely), d’abord, qui était à l’origine la division à hautes performances de Volvoest devenue une marque à part entière. Elle a déjà un showroom à Oslo ;
- Lynk & Co, marque championne en titre de WTCR, ne parvient toujours pas à rejoindre la ligne de départ ;
- Créée en juillet 2021, Voyah — dont le nom en mandarin signifie « avenir merveilleux » a livré près de 6 790 véhicules électriques entre août et décembre 2021. Le 21 janvier 2022, la marque a annoncé la production de sa 10 000 ème voiture ;
- Seres, le mastodonte des voitures chinoises représente sans doute la marque la plus ambitieuse. Elle appartient au géant Dongfeng (partenaire de Peugeot et 2e constructeur chinois derrière SAIC, le propriétaire de MG si vous avez bien suivi). Elle a fait son arrivée en France avec le SUV compact Seres 3, un modèle électrique classique ;
Et encore d’autres nouveautés chinoises :
- WEY, la future référence du SUV premium. Fondée en 1976, la marque Great Wall Motors (GWM) n’avait jamais réussi à s’implanter en dehors de l’Asie, pour réussir son internationalisation et son implantation en Europe, elle va pouvoir compter sur deux marques propres : ORA et WEY. Qui mise sur le salon automobile de Munich (IAA Cars 2021), C’est donc en Bavière que sera officiellement dévoilé le WEY V71, un SUV hybride « alliant le luxe aux dernières technologies » ;
- ORA appartient au constructeur Great Wall Motors et comme WEY, et présentera son ES11, une voiture compacte électrique dont le design rétro-futuriste ne passera pas inaperçu.
Avec d’autres marques comme Lynk&Co, Byton et Xpeng, les voitures chinoises n’ont sans doute pas fini de faire parler d’elles sur nos routes. Vous ne pourrez pas dire que vous n’avez pas été prévenus…
Conclusion :
La Chine, premier marché mondial, constitue la nouvelle frontière de l’industrie auto. Les constructeurs « historiques » s’y établissent pour bénéficier de coûts de productions moins élevées et de se rapprocher de la principale zone de production de batteries. D’autre part, les constructeurs chinois se lancent grâce à leur maîtrise des chaînes de tractions électriques, ce qui leur permet de proposer d’emblée des produits très aboutis.
Étrange : Evergrande Auto, une startup chinoise qui se fixe comme objectif de mettre Tesla sur la touche, valorisée 87 milliards de dollars. Cependant, cette marque offre une particularité, elle n’a jamais vendu une seule voiture !